L’Education Nationale montre le mauvais exemple. Dans de trop nombreux cas, son personnel en situation de handicap est considéré comme un « boulet ».
C’est souvent une pêche à l’information pour connaître ses droits et les agents sont envoyés de service en service avec des interlocuteurs qui se renvoient la balle.
Les préconisations des médecins sont laminés par « les nécessités de service ».
On oppose un manque de budget ou de moyens à des aménagements de poste qui pourtant sont justifiés et nécessaires.
Les maladies chroniques dites « pérennes » n’entrent pas dans le cadre des circulaires.
Le handicap invisible -pourtant majoritaire – fait l’objet d’une discrimination supplémentaire.
Le personnel encadrant est peu formé aux handicaps. Il n’existe pas un handicap mais des handicaps. Le système ne peut plus reposer que sur la bonne volonté de son personnel. Il est temps de prendre en compte les besoins de chacun.
Merci à celles et ceux qui nous apportent leur témoignage.
Voici notre réalité.
L’an passé, mon médecin m’avait prescrit un temps partiel thérapeutique de 3 mois, de fin mars à fin juin. L’Inspection Académique me l’avait refusé durant 1 mois avec comme argument qu’ils n’avaient pas de remplaçant… Ma hiérarchie directe (directeur de SEGPA et proviseur du collège) avait essayé d’intervenir… sans succès. Curieusement, aucun refus notifié par écrit…J’ai dû attendre fin avril pour que mon temps partiel thérapeutique soit accepté. Entre temps, j’ai continué à travailler à temps plein et mon état s’est aggravé. J’ai alors tenu 15 jours à temps partiel thérapeutique et ai dû m’arrêter jusqu’en juillet. Je crains que la situation ne se répète…En Ille et vilaine, nous n’avons plus de médecin du personnel depuis quelques années donc peu d’aide de ce côté, même si le médecin du personnel du Morbihan dépanne dans certains cas.
Cette année je reprends à mi-temps de droit pour handicap mais sans aucun complément de salaire. Je me retrouve avec 1 000 euros par mois.
Après deux ans de poste adapté au CNED, on m’a renvoyée sur le terrain, à temps complet. J’enchaîne les infections ORL. Chaque année je dois me confronter à l’indifférence d’une administration pour laquelle je suis visiblement devenue un boulet depuis mon cancer.
Je regrette également le manque de sensibilisation et/ou de formation du personnel encadrant de l’Education nationale sur les problématiques liées à son personnel en situation de handicap.
J‘ai découvert de façon violente que certains élèves de ma classe tenaient à mon encontre des propos calomnieux assortis d’images, d’injures et de propos discriminatoires sur mon handicap tout cela sur un réseau social. Nous sommes plusieurs concernés par les échanges tenus sur ce groupe mais une de mes collègues, greffée du rein, a fait les frais de « menace de mort ». Je suis en arrêt. J’ai enseigné 24 ans dans cet établissement sans connaître de problèmes ni avec les élèves ni avec les familles. Je me sens humiliée, déployer toute l’énergie qui est la mienne pour aller enseigner n’a plus de sens.
Toute une carrière d’enseignante sans contrôle médical d’aucune sorte…. oups ! Une oui :
-Bonjour Madame êtes-vous apte à enseigner?
– Heu… oui, je veux faire ce métier.
– Très bien! Vous êtes apte!
( et une radio des poumons ´officielle ‘ à l’époque )
La médecine du travail ne concerne pas l’éducation nationale apparemment : bilans médicaux et psychologiques = le néant pendant 35 ans !
Au lycée l’administratrice en charge des badges refuse de me donner le pass ascenseur. Il me faut un mot du docteur. Je suis RQTH (reconnaissance de travailleur handicapé) et en ALD (affection longue durée). Du coup, je n’ai pas accès à l’ascenseur alors que je suis au second étage presque tout le temps et mon sac à roulettes reste à la maison. Je prends juste un demi-classeur, je n’ai pas tout ce qu’il me faut mais je n’ai pas le choix. Je ne peux pas porter. Je suis dégoûtée. Bref je me sens mise à l’épreuve, dévalorisée et je n’arrive plus à mettre la distance et l’énergie pour ne pas me sentir démotivée.
Le poste adapté de courte durée (PACD) se fait sur des obligations horaires quasi équivalentes aux administratifs : malgré mon allègement de 80%, il était sur 41 heures mais avec les soins, les douleurs, ce n’était pas tenable pour moi.
Je suis infirmière dans une grosse cité scolaire. J’ai une RQTH (reconnaissance de travailleur handicapé) depuis de nombreuses années pour de gros problèmes de dos. Reconnue en maladie professionnelle après un long combat, j’ai 15% d’incapacité permanente. Je dois gérer 2 400 élèves environ avec le collège. Je prends contact avec la médecine de prévention qui va dans mon sens et qui fait un écrit pour que je ne gère que la partie lycée. Mon chef d’établissement me convoque pour me dire qu’il se fout des aménagements, que ce ne sont que des préconisations et non pas des obligations, qu’il a appelé le correspondant handicap pour lui dire que dans ces conditions j’étais inapte à mon poste. Mon dos craque sous la charge de travail. Je me retrouve en arrêt, sous morphine , en fauteuil roulant la plupart du temps. Je dois subir une arthrodèse. Ma nouvelle collègue passe son temps à m’envoyer des piques. Je vis dans la douleur et dans l’angoisse. Je travaille sous pression car je sais que mon chef d’établissement et ma collègue guettent la moindre erreur de ma part. Je n’en peux plus, les idées noires refont surface…
On me refuse l’allègement de service sous prétexte que ma maladie est chronique mais je sais qu’en fait il s’agit d’une simple question de budget. Une logique comptable d’une grande violence.
Mon inspecteur a évoqué mon handicap et a essayé de me démontrer qu’il n’était pas compatible avec mes fonctions de CPE (conseiller principal d’éducation). Je cite, il montre mon fauteuil roulant et dit « avec ça vous ne pouvez pas courir après les élèves dans les escaliers ». Lors de l’entretien, je ressens plus une volonté de se débarrasser de moi qu’une volonté de m’aider.
On y est. Dépression. Le vilain mot que voilà. Je ne peux plus, corriger, préparer, recommencer, évaluer…les élèves ne sont pas la cause principale, je pense. Ils n’arrangent rien. Charge mentale. Pas de week-end. Pas de vacances. Travailler et avoir la boule au ventre parce qu’il faut que ce soit bien fait ou ne pas travailler et avoir la boule au ventre parce que je n’ai pas travaillé. Ces vacances que tant de monde nous envie, je les laisse à qui les veut. J’ai besoin d’avoir fini lorsque je sors de mon travail le soir, d’être en week-end le vendredi et en vraies vacances lorsque c’est le cas. Pour le moment, je ne suis pas en état de passer un concours, ou de passer un entretien. L’année prochaine peut-être.
C’est difficile pour des enseignants jeunes et en bonne santé de gérer une trentaine d’élèves dans une classe, d’autant plus avec 2 ou 3 enfants en situation de handicap, certains accompagnés quelques heures par semaine ou pas par un ou une AESH, sans moyen, sans support particulier, sans aménagement spécifique. Alors imaginez quand vous êtes vous-même en situation de handicap ? C’est irrespectueux, honteux. Et tout le monde en pâtit : élèves, professeurs, famille. On culpabilise de ne pouvoir faire correctement notre travail alors qu’on nous demande l’impossible…